Dr Patrick Peeters : « Mes power points se sont transformées en protocoles pédiatriques qui sont actuellement testés afin d’être reconnus dans toute la République démocratique du Congo.

Très tôt après ses premières missions, le pédiatre Patrick Peeters a créé un groupe de travail de pédiatres afin d’échanger leurs expériences.
En l’espace de 16 ans, ses premières présentations de pédiatrie, sous forme de PowerPoint, sont devenues des protocoles pédiatriques, reconnus par la province du Sud-Kivu. Aujourd’hui, la procédure de reconnaissance pour tout le territoire de la RD Congo est en cours. « C’est un rêve qui se réalise… ce qui ne signifie pas que ce sera facile. »

Un premier pied en Afrique

Nous le rencontrons à Ath, en province du Hainaut, où il vit avec son épouse. Il nous raconte comment il a combiné en 1973 des études de médecine tropicale avec son doctorat en pédiatrie. Son épouse, qui est ophtalmologue, a fondé en 2003 une asbl pour combattre la cataracte au Congo.

C’est ainsi que le Dr. Patrick Peeters a posé son premier pied sur le sol africain. Il a mis en place différents projets et est entré en contact avec l’hôpital de Kimbondo, dans la périphérie de Kinshasa, qui est devenu par son intermédiaire un hôpital partenaire de Médecins Sans Vacances pendant plusieurs années.

Groupe de travail de pédiatres

Le Dr. Patrick Peeters commence ses missions pour Médecins Sans Vacances en 2005. Le besoin d’échanger des expériences avec d’autres pédiatres-volontaires l’a incité à créer un groupe de travail deux ans plus tard. Il a ainsi lié l’utile à l’agréable : ils prenaient le temps de discuter de la pédiatrie en Afrique Centrale et faisaient ensuite plus ample connaissance lors d’un petit dîner. Pour une mission à l’hôpital pédiatrique de Kalembe Lembe à Kinshasa, il a créé une dizaine de Powerpoints. « Il y avait des troubles politiques à l’époque et le chef du département, en même temps pédiatre de l’hôpital, a été expulsé. Par conséquent, l’hôpital n’avait plus de chef de service depuis un certain temps et on m’a demandé de l’aide. Le jour même où j’ai commencé, il a été acquitté et autorisé à reprendre le travail. En général, il y a très peu de pédiatres au Congo. Les enfants sont souvent amenés à l’hôpital dans un état très grave et y meurent dans les 24 heures. Afin de réduire le taux de mortalité, j’ai essayé de résumer mes connaissances en pédiatrie en dix présentations. Il s’agissait, par exemple, de l’utilisation des antibiotiques, ou de ce qu’il fallait faire chez les enfants souffrant de problèmes respiratoires aigus, etc. »

Structure pour la santé publique

Entretemps, le Dr. Patrick Peeters devint membre du Conseil d’Administration et quatre ans après, vice-président et puis président de Médecins Sans Vacances. Une fonction qu’il a exercé avec cœur et âme pendant de nombreuses années. Il a été interviewé pour la RTBF par Douchan Beghin, à l’époque professeur de santé publique et de pédiatrie à l’Université Libre de Bruxelles, une interview qui n’est pas passée inaperçue. « Il était fasciné et prêt à nous aider. Il m’a donné des directives sur la façon de structurer les PowerPoints et le matériel collecté, afin de pouvoir être utilisé au profit de la santé publique dans le Sud-Kivu. » Mes PowerPoints sont devenus des fiches et les fiches ont formé 75 protocoles. Tous les protocoles étaient basés sur le petit Livre Bleu de l’Organisation Mondiale de la Santé avec des instructions de base pour la pédiatrie dans tous les continents, avec la même numérotation partout. Nous avons en fait rendu certaines pages plus lisibles, plus maniables.

Ne pas attendre, agir immédiatement

Au cours de la même année, Peeters et Beghin se sont rendus à l’hôpital de Kimbondo pour apprendre l’usage des protocoles aux médecins et au personnel infirmier. Beghin dans sa capacité de représentant de la Santé Publique, Peeters sur base de son expérience pratique. “Que faire d’un enfant en état comateux qui arrive à l’hôpital ? Il faut développer un réflexe. Si un enfant déshydraté est amené à l’hôpital, il faut agir vite. Le fait que le système de santé est organisé de façon hiérarchique, constitue un problème supplémentaire.

Un parent avec un enfant malade s’adresse en premier lieu à un centre de santé, où dans beaucoup de cas, un infirmier/ière décide du traitement en fonction des disponibilités. Trop souvent encore, on conseille d’attendre un jour de plus avant d’aller à l’hôpital. Des efforts sont désormais déployés pour former correctement les prestataires de soins qui sont responsables dans les centres. Ce n’est qu’à cette condition qu’il sera possible de réduire les taux de mortalité.”

Reconnaissance nationale

Beghin a encore effectué plusieurs missions au Sud-Kivu, pour y introduire en collaboration avec BDOM (Bureau Diocésain des Œuvres Médicales) les protocoles dans d’autres hôpitaux. En 2013 il prend contact avec le Dr. Zozo Musafiri, employé des autorités provinciales et bien connu à l’ULB où il a étudié la Santé Publique. Entretemps, les autorités locales distribuent les protocoles dans une soixantaine d’hôpitaux du Sud-Kivu. “Mon rêve a toujours été de les faire reconnaître sur le plan national, mais on m’a souvent reproché trop d’ambition. Ces protocoles sont une bouée de sauvetage pour les soignants sur place. Même ici en Belgique, un médecin peut paniquer lorsqu’il voit un enfant très gravement malade, alors qu’il dispose de toute une batterie d’équipements sur laquelle s’appuyer. Ce qui n’est pas le cas des médecins du Congo. Je suis donc très heureux que le Dr Zozo Musafiri prenne cela à cœur. Ceci ne signifie pas que ce sera facile. Heureusement, il connaît les bonnes personnes aux bons postes pour discuter de cette question. Si les universités se joignaient également à nous, notre tâche serait complètement remplie. »

(Pas de) Limite

Récemment, l’âge limite pour partir en mission a été fixé à 75 ans. Le Dr. Patrick Peeters en a 73 maintenant. « Je ne me sens pas encore si vieux. Il est donc dommage que cet âge maximum approche. Mais, je continue à m’occuper. Le groupe de travail des pédiatres est devenu un nom connu dans les universités belges. Nous sommes considérés comme des experts, ce dont je suis fier. Heureusement, il n’y a pas d’âge limite pour apprendre et écouter. Je continuerai à travailler comme toujours et souhaite à Médecins Sans Vacances un bel avenir dans la poursuite de tous les projets et réalisations.

Texte: Ann Palmers

Écoutez ici le podcast de cette histoire de 40 ans de passion et d’engagement :

Aidez nos collègues africains à rendre accessibles les soins médicaux nécessaires.